Hegel

Publié le par Grégor

Bien sûr il est encore trop tôt pour que nous nous sentions autorisés à parler de Hegel. En réalité nous avons du mal à le lire encore dans le texte et nous nous appuyons essentiellement sur des cours dont l’ambition est de vulgariser sa pensée.
Pourtant nous ressentons déjà le besoin d’exprimer notre reconnaissance envers ce Maître considérable de la pensée.
Jusqu’à présent Heidegger nous semblait être le penseur le plus décisif. Et pourtant depuis quelques temps, il nous était apparu que sa pensée ne pouvait pas rendre compte de la totalité. Aujourd’hui où nous avons approfondi quelque peu la pensée d’Hegel, nous dirions que celle de Heidegger était trop abstraite. Cela signifie qu’elle ne tient pas compte de la totalité et qu’elle sépare les étants du Dasein sans penser leur connexion essentielle dans le tout. Du moins c’est ce qu’il nous a semblé mais peut-être est-ce notre seule interprétation de Heidegger et n’engage-t-elle que notre compréhension et non véritablement la sienne.
Mais comme nous ne pouvons parler que de ce qui tombe sous notre sens, cette dernière précaution est finalement implicite en chacune de nos pensées.
En effet, la logique de Hegel permet de dépasser des pensées sans les supprimer : de les intégrer.
Or, la différence radicale que Heidegger propose entre l’Être et l’étant ne permet pas d’intégrer l’un à l’autre. Même si Être et Temps donne quelque piste de réflexions allant dans ce sens.
Par exemple la manière dont l’énoncé dérive de l’être-au-monde du Dasein. Pourtant, les réflexions d’ordre ontologique ne permettent pas de progresser d’un iota dans la compréhension de quelque étant que ce soit. Or, on ne peut pas accepter comme philosophie, censée être totale, une philosophie abstraite qui ne tient aucun compte de l’ordre ontique des phénomènes.
Ainsi la critique de la Technique Heideggérienne semble bien unilatérale, malgré les nombreuses défenses que celui-ci prend et rappellent celles avancées dans Être et Temps à propos de la quotidienneté.


Après l’immense Kant, Hegel parvint à faire aboutir sa philosophie et notamment ses antinomies : le monde, le moi et Dieu.
Ces Idées inaccessibles à la raison semblent enfin céder à cette nouvelle Raison, non représentative, hégélienne.
La pensée en effet, semble devenir un moment du Concept et non plus une partie hétérogène qui ferait face à un objet. Le monde cesse d’être un spectacle et redevient un tout auquel la conscience est pleinement intégrée.
Notre philosophie avait la fâcheuse tendance à mettre en avant la certitude sensible, l’être-au-monde de l’homme, à tâcher de dégager cette expérience la plus singulière, la plus authentique, notamment dans l’être-pour-la-mort. Or, le résultat, comme Hegel le signale au début de sa Phénoménologie, c’est-à-dire la lettre de notre texte, était une expérience universelle, celle que chaque être humain est susceptible de faire, et ce dernier point nous engageait vers une éthique, en tant que nous partageons la même fragilité de la vie, et une même conscience de cette fragilité.
Pour autant, cette expérience de la nudité de la vie, cette perte dans l’angoisse et cette découverte de notre abyssale liberté, n’est pas le quotidien de notre être-au-monde, où nous sommes en prise avec les étants, ne différenciant aucunement ceux-ci de nous-mêmes. Cette expérience n’est nullement à dédaigner et ceux qui s’occupent des affaires courantes et de leur gestion difficile ne doivent pas être considérés comme inférieur à la philosophie ni comme extérieur à cette discipline qui se préoccupe du tout.
La ligne de partage entre l’ordre ontologique et ontique ne doit donc pas être trop fermement gardée, ni considérée comme une frontière infranchissable entre deux zones totalement hétérogènes. Mais nous devons considérer le mouvement dialectique entre la nature et la conscience, entre les étants et le Dasein. Le vivant d’ailleurs est peut-être un intermédiaire entre ces deux pôles, puisque le rapport entre les parties et le tout n’est pas compréhensible par le fonctionnement mécanique (comme en physique classique) de parties totalement indépendantes les unes des autres. Chacune n’agissant sur les autres qu’en fonction du tout qui communique à chaque partie, d’une certaine manière, la façon dont elles doivent interagir afin de maintenir l’équilibre 
du biosystème. Cette manière dont le tout informe chaque partie et dont chaque partie informe le tout contraste avec ce que nous pourrions appeler la Nature physique classique ou mécanique et dont nous avons essayé de faire la critique dans nos textes, parce que ses lois déterministes et rigides s’opposaient à la liberté des sujets conscients. Liberté qui peut bien n’être qu’un caprice, pour notre conception de la liberté, seul le choix compte, pourvu que l’homme puisse choisir librement entre deux voies, que l’une soit meilleure ne nous importe guère lorsque nous définissons la liberté humaine, seul ce choix compte, celui qui prouve que l’homme n’est pas déterminé a priori à suivre une direction qui lui serait imposée par des causes extérieures à sa volonté.
La plasticité du vivant contraste donc avec la rigidité de la physique mécanique classique.
L’animal n’est pas une machine, composée de partie totalement fermée les unes aux autres qui inter-réagiraient les unes avec les autres sans aucune marge de manœuvre. Au contraire les parties s’informent et informent en permanence le cerveau qui régulent l’équilibre du corps.
La conscience se situe à un niveau d’indépendance supplémentaire. Pour autant le devoir de l’humanité et de chaque homme semble devoir être de s’intégrer à cette totalité de la nature (physique et biologique) et de l’achever dans le règne des fins où chacun agirait en être universel.
Voilà comment la conscience doit prendre en charge et non snober la Nature et sa supériorité ne réside pas dans son dédain mais au contraire dans la considération qu’elle est capable de porter à tout ce qui est.
C’est en clair, la tâche que nous nous sommes fixés.
Une tâche d’intellectuels, qui consiste à essayer de prendre conscience de l’ensemble du vaste champ du monde et de ses multiples disciplines. Il est impossible de maîtriser complétement chacune des disciplines qui permettent de connaître le monde, pour autant il est possible d’en comprendre les généralités, d’être une sorte de médecin généraliste. Ayant manqué depuis longtemps la possibilité d’être très érudit dans un domaine spécifique, il est encore possible de brasser l’ensemble des domaines : philosophique, mathématique, physique, économique, sociologique, psychologique, biologique, historique, géographique, poétique, logique.



 

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