Droite ou Gauche ?

Publié le par Grégor

Une opposition fut constitutive de ma formation d’adulte, celle politique, qui oppose la gauche et la droite.
Longtemps j’ai balancé entre ces deux voies. Même si je me suis toujours davantage défini comme un homme de gauche, je n’ai pas toujours eu le comportement qui correspondrait à ce modèle et mes actes trahissant l’image que je me faisais de moi-même, je dois avouer que je fus plutôt un mélange de ces deux idéologies. Lorsque j’étais professeur stagiaire dans un lycée, j’ai cru entrevoir sous cette opposition de droite et de gauche, la fameuse antinomie kantienne entre un sujet libre ou déterminé. En effet, si l’on suit un courant de pensée bourdieusien et déterministe, les inégalités sociales sont essentiellement le reflet d’une reproduction de classes et ce constat entache l’idée de droite selon laquelle le mérite est au cœur de la réussite sociale et justifie les inégalités.
Étant professeur je craignais alors les dégâts que pouvaient produire de telles théories déterministes sur la volonté d’étudier déjà fragile des élèves. À quoi bon étudier si je n’ai aucune chance de réussir ? Il me semble que c’est là la racine de ce que certains appellent la victimisation, où chacun se cherche des excuses plutôt que d’avancer et de faire son devoir d’homme.
Pourtant la sociologie si elle est bien comprise, de même que n’importe qu’elle autre science, n'est pas en contradiction avec l’idée de liberté. L’antinomie de la liberté et du déterminisme est encore un produit de l’entendement fini. La dialectique doit pouvoir dépasser cette opposition frontale qui sépare totalement la liberté et le déterminisme. Ce n’est pas l’un ou l’autre, la vérité de l’un n’exclue pas l’autre et réciproquement. De la même manière que quand je dis : « cette maison est bleue », je dis également qu’elle n’est pas jaune, ni verte, ni aucune des autres couleurs et qu’ainsi disant l’être je dis aussi le non être, de la même manière quand je dis à un élève qu’il est libre je dis aussi qu’il est déterminé. Certes, l’individu est responsable de ses actes, pour autant, étant donné que rares sont ceux qui échouent volontairement, quelque part, l’échec, par exemple scolaire, n’est pas la volonté irrécupérable d’un individu monstrueux qui ne voudrait donner que des mauvaises réponses, mais plutôt de mauvaises habitudes (un habitus social ?), des sophismes indéracinables, qui ont envahi et obstrué le cerveau et la lumière naturelle du cancre.
La liberté ne s’oppose pas rigidement au déterminisme, mais ces deux entités communiquent entre elles et dialoguent dialectiquement. Il est d’ailleurs étonnant de voir à quel point la science des déterminismes permet d’être plus libre. En effet, Pierre Bourdieu a beaucoup fait pour la liberté, car une fois que l’on comprend mieux les mécanismes injustes de sélection sociale, il est possible de les dépasser. Si nous devions traduire cette idée philosophiquement nous dirions que la connaissance des déterminations augmente notre possible et donc notre liberté. La science augment la liberté. Alors même qu’elle n’a dans ses principes aucune considération pour la liberté (qu’elle ne peut pas prendre en compte), dans ses résultats elle est du plus grand secours pour celle-ci, et tout homme libre devrait témoigner pour la connaissance la plus grande gratitude. Elle est la source du plus puissant pouvoir.
Pour autant la dialectique doit encore achever l’édifice de la raison, afin de ne pas rester bloquée dans des antagonismes rigides.
Une vraie morale est nécessaire, où les hommes assument leurs actes et sont responsables d’eux-mêmes, mais pour y parvenir il faut de la science, il faut de la connaissance.
L’idéologie de la droite passe donc pas l’idéologie de la gauche, la liberté par le déterminisme.

Publié dans Philosophie

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