L'athée et l'homme de foi

Publié le par Gregor

« Comment ? vous défendriez la thèse selon laquelle tout est permis à l’athée comme disent ces vers : 


Quoiqu'il arrive, il ne pense jamais à Dieu
Alors tout est permis en son âme et conscience

- Vous vous imaginez qu’il puisse en être autrement ? Prenez ces foules qui ont perdu Dieu, pour elles il n’est plus possible même de mettre un frein à leur bassesse :

Le respect est perdu quand plus rien n'est sacré

Je vous parle en sociologue, des faits observés depuis que retentit cette phrase « Dieu est mort ! »
- En sociologue ? vous parlez de faits, de décrépitude de masse, vous observez les petits faits moraux, en lisant dans les journaux ou bien vous tenez vous-mêmes la rubrique des faits divers en observant les mœurs de votre temps dans les lieux publics, la contingence dans les transports en commun, et vous dites le respect est mort ! Nous vivons une époque de décadence ! Je connais par cœur ces affirmations réactionnaires.
- Vous êtes un philosophe des lumières, de la tentative avortée d’imposer une morale athée qui soit de même envergure que celle du Christ. La sublime tentative kantienne d’offrir à l’athéisme une conscience christique.
- Que je le sois ou non, n’est-ce pas le Christ lui-même qui est sous le concept de l’universelle bonté, Lui, le Verbe fait homme, n’est-il pas l’incarnation la plus parfaite d’une Idée que chacun est libre d’incarner ?
- Libre de se sacrifier, car Il n’est pas de ce monde et ce monde ne l’a pas connu. Mais le monde lui continue d’avancer. Souvent je pense aux prières malheureuses que des millions d’âmes entretiennent pendant que le monde continue de tourner selon sa nécessité propre, vous devez penser que ces prières sont un bel opium, vivre dans la beauté, sous le regard d’un Dieu inexistant, cela est inutile et beau, voilà ce que vous pensez, vous pensez peut-être même que cela n’est pas beau, que c’est idéaliste et renversant les critères esthétiques vous faites de la Beauté un genre de la laideur : vous craignez l’azur séraphique.
- Peut-on, quand on est intelligent et que l’on a cessé de croire aux superstitions, aux miracles, voir autre chose qu’une efficacité à la rigueur symbolique dans tous ces effets de Foi. La Foi transporte les montagnes de l’inconscient et charrie avec bien des symptômes psychologiques, mais la pure matière objective, celle qui décide du monde, qui fixe le vrai prix des choses et leur valeur pour tous, ne s’arrête pas à ces spéculations symboliques, phénomènes d’un autre âge métaphysique.

- Pourtant nous parlons parfois du fétichisme de la marchandise et la publicité regorge de ces forces symboliques qui donnent au produit plus de valeur que le produit nu en toute objectivité. Mais ces symboles-là vont dans le sens de l’histoire.
- Il y a du vrai dans ce que tu dis, mais rêves-tu, toi l’homme de foi, d’un monde dépourvu de croyances, illuminé d’une claire lumière intellectuelle qui effacerait chaque mystère ?
- Cette lumière est celle des athées et de la métaphysique de l’objectivité. Et pourtant si l’on peut injecter une seule goutte de liberté humaine, toute cette métaphysique s’écroule.
- Sauf de mettre la liberté au service de cette objectivité, c’est là le projet des lumières.
- Je comprends bien que nous pouvons être alliés et que l’athée peut inscrire sa liberté dans une lumière claire et distincte tout en étant bon.
- Vous pensez que toutes ces prières accumulées feront bouger les gonds de la nécessité du monde ? Ne vaudrait-il pas mieux nous rejoindre en un projet positif ?
- Qu’est-ce que la spiritualité mon ami ? N’émane-t-il pas de certaines âmes un courage, une douceur qui semblent envelopper jusqu’aux athées les plus méchants ? N’avez-vous jamais vu la force de la Foi ? Cela n’est pas un pur Néant…
- Peut-on intégrer cette force à un projet objectivable ?
- Certainement pas, et c’est là un grand secret de la foi, elle devient son Tartuffe quand elle se regarde, elle ne peut que brûler de l’intérieur sans jamais être atteinte extérieurement. L’objectiver cela revient à en faire une mascarade. 
- Je suis sidéré d’apprendre que quelque chose puisse résister au regard qui inspecte.
- Et pourtant il n’y a rien à voir, tout juste peut-on le remarquer, non pas par curiosité, mais avec amour.
- Mais cela devient très difficile à penser et à inscrire dans un cahier des charges, comment le faire accepter à une foule démocratique ?
- D’où la force des religions, qui arrivaient à réussir ce miracle d’unir les hommes à de tel niveau de subtilité.
- Vous ne pouvez qu’être critique de notre ère démocratique en ce sens ?
- Le rêve démocratique est celui du Christ, mais il est vrai que la vulgarisation nuit à la subtilité qu’il faudrait pour entrer dans un véritable âge d’or spirituel. 
- Pourtant le progrès peut aussi être amené par des droits, signes bien objectifs d’une marche à suivre !
- Certes, la lumière ne doit jamais être l’opposée ou l’ennemie de la foi spirituelle. Nous pouvons seulement apprendre des échecs de la laïcité ce qui peut-être manque encore dans sa propre voie à l’athéisme et ce qui peut-être ne se trouvera jamais sur cette voie, car certaines subtilités échapperont toujours au regard spéculatif.
- Je vous laisse ces échappées, qui ressemblent trop pour moi à des niaiseries sentimentales, nous devons nous atteler au concret qui nous cause déjà bien des soucis.
- Vous faites selon votre conscience, il faut bien des esprits positifs afin de tâcher de construire effectivement le royaume de Dieu sur terre. 
- Comment ne pas penser que vous êtes vous autres des esprits oisifs ?
- La pierre du jugement pèse encore sur ton cœur, car tu combats le Mal au nom de ton Bien. Or, il se peut que tout cela ne soit qu’un enfantillage de l’esprit et qui loin de libérer les hommes, les enferme et les déchire.
- Vous pensez, vous, homme de foi, par delà bien et mal ?
- Ne sommes-nous pas venus en ce monde pour y subir la méchanceté des hommes, leur injustice, et par ce sacrifice racheter leurs fautes et leur offrir notre pardon.
- Mais faisant cela vous dites que leurs actions sont mauvaises ! Vous en témoignez !
- Faisant cela, nous leur pardonnons, parce que nous les comprenons, et nous les comprenons parce que nous les aimons. Nous aimons celui qui commet ce que vous appelleriez faute, parce que nous comprenons la nécessité qui l’a poussé à commettre une telle action, mais parce que nous lui pardonnons et lui offrons notre amour, il se peut que son cœur change.
- Vous voulez donc convertir le Mal en Bien !
- Certes, nous cherchons aussi le royaume de Dieu.
- Et vous appelez cela vivre dans la Beauté.
- Oui, mais cette activité est celle des oisifs.
- Une société peut-elle tolérer de tels oisifs ! 
- Je parle d’âge d’or spirituel quand je pense à une telle société.
- Vous ne défendez donc pas la thèse selon laquelle tout athée est condamné à perdre toute forme de respect et à affronter une liberté débridée, il est possible pour un athée d’être bon !
- Bien sûr, le poème s’intitule L’athée, mais ne signifie pas que tout athée est condamné à dire que : Bien ou mal est égal pourvu que ça rapporte. Il faut prendre le poème dans son ensemble : 

L’athée
Quoiqu'il arrive il ne pense jamais à Dieu
Alors tout est permis en son âme et conscience
Quant au pieux châtiment il n'en croit pas ses yeux
S'il se sent accusé il invoque la science

Le respect est perdu quand plus rien n'est sacré
Bien ou mal est égal pourvu que ça rapporte
Du ciel tout déchiré il n'entend nul décret
Son âme en sa prison n'a pas franchi les portes

En son for intérieur l'athée craint pour sa mort
Invincibles regrets qui hantent l’esprit fort
Se dire que chaque heure est mangé par la vie

Le Néant et l’Absurde ont pour trophée banal
Ce Monde déserté par la joie plein d’Ennui
Où toutes les âmes en profondeur se valent

Tout d’abord il convient de remarquer que cet athée est un nom générique qui signifie l’homme, celui d’aujourd’hui qui marche sans Dieu. Ce qui nous l’indique c’est ce tercet final:

Le Néant et l’Absurde ont pour trophée banal
Ce Monde déserté par la joie plein d’Ennui
Où toutes les âmes en profondeur se valent

Il s’agit bien d’un âge métaphysique, celui que nous connaissons tous les deux et contre lequel nous luttons, vous, en athée et moi, par la spiritualité. Il existe donc deux athées, peut-être davantage, celui qui est l’homme d’aujourd’hui, et vous qui avez échoué dans une voie laïque, mais qui incarnez sur terre certaines Idées du royaume des cieux. 
- Vous ne nous avez pas beaucoup aidé, vous les oisifs perdus dans votre royaume céleste, nous ne croyons qu’en un seul royaume, terrestre !
- Méditons cet échec, plutôt que d’en chercher les coupables et apprenons à pardonner à ceux qui ont fait de ce monde un enfer.
- Voilà la morale ! Une morale de vaincus ! Pendant que vous faisiez des prières, vos adversaires fabriquaient des armes, vous avez perdu sans même prendre les armes, votre victoire spirituelle est nulle, cet échec c’est le vôtre !
- Qu’importe, nous voulons bien prendre cet échec sur nous. Il nous faudrait aller plus loin et étudier en détail les raisons de cet échec. Si ce poème accuse l’athéisme, l’athésime vous avez raison, a aussi des arguments pour accuser la foi spirituelle. Mais nous ne sommes pas des hommes d’armes, seulement des hommes d’amour. Peut-être que votre pragmatisme est déjà une porte ouverte à la défaite en vous-mêmes de vos propres idéaux. La fin n’est pas dans la fin, mais dans les moyens.
- Oui je connais ces superstitions… Qu’en dire sinon que dans le camp des vainqueurs de l’histoire il n’y a aucune superstition.
- Ce monde est celui : Où toutes les âmes en profondeur se valent.
- Vous parlez d’âmes, de profondeur, mais en réalité vous refusez d’être au niveau des faits et du réel tel qu’il se fait. Pendant que vous rêvez en priant, le monde suit son cours désastreux.
- Ce sont de graves accusations, mais qui vous oblige à porter le poids d’une si lourde défaite ?
- Vous-mêmes, quand vous disiez tantôt que nous avons échoué dans une voie laïque.
- Peut-être que les hommes ont vu dans ce que nous nommons défaite des avantages inespérés. Tout le confort de la société de consommation dans laquelle nous vivons par exemple. Et peut-être serons-nous meilleurs par le ventre !!
- Vous-mêmes disiez que c’était un échec !
- L’état du monde est préoccupant, la planète est en mauvais état, les inégalités flagrantes, notre âge métaphysique est soumis au double cancer du capitalisme et de la technique moderne, mais sans doute si ces voies ont été empruntées, c’est qu’il n’y en avait pas d’autres.
- Ah ah, toujours ce fatalisme spinoziste ! Toujours ce refus de juger ! Ce refus de combattre ! J’y décèle de l’égoïsme, celui de vivre sa petite vie de sacrifice tout relatif à l’injustice des hommes tout en profitant de la lumière du jour, des douceurs de vivre sous la beauté infinie du regard de Dieu. Moi je suis damné, sans cœur, gâchis parmi les hommes, une ombre qui erre sans compagnon de misère. Et je n’ai pas le secours du Ciel.
- Je te plains mon fils et crois bien que je pleure de t’entendre. Ta critique sonne juste à mes oreilles, je ne puis que t’admirer et te plaindre. Tu as tourné toute ta rage vers ce but unique, ton obsession, mais le monde ainsi visé me semblera toujours trop étroit, nos projets ne contiennent jamais totalement ce que nous vivons et je suis heureux d’être ici, parce que quelque chose déborde mon âme et la remplit de joie. C’est cela que je nomme spiritualité. »

Toute cette discussion avait tenu les protagonistes en haleine, mais l’athée surtout accusait le coup, quelque chose de furieux s’était emparé de lui, il était vraiment le symbole de l’humanisme qui avait échoué face à d’autres valeurs, plus individualistes. Un tableau vivant et plein de misère. L’homme de foi au contraire rayonnait et c’est lui qui reprit la parole :
« Mon cher ami, l’humanisme et les lumières que vous défendez ne sont pas morts. Peuvent-ils survivre sans spiritualité, je n’en sais rien, il me semble que tout manque là où manque cette sorte de joie. Mais si tu me demandais de définir la joie, j’en serais incapable.

- De quoi parlez-vous donc si vous ne savez le définir ?
- C’est justement une de ses propriétés que de ne pas se laisser saisir.
- N’est-ce pas un peu facile ?
- La question n’est pas là, mais de savoir si cela marche ou pas.
- Et vous prétendez que cela marcherait pour moi, pourvu que j’y croie ?
- Mais peut-être que vous avez déjà en vous cette force spirituelle qui existe en son genre.
- Prenons l’axiome de ne pas faire à autrui ce que je n’en voudrais pas subir.
- Si vous voulez, mais remarquez que même cet axiome suppose une finesse d’interprétation, si par exemple j’aimais être battu, cela ne me donnerait le droit que de battre ceux qui aiment être battus également et non pas le premier venu. Cet exemple peut paraître stupide et je l’ai choisi pour te faire rire, mais il avance dans la direction que je voudrais t’indiquer, à savoir que cet axiome même suppose une interprétation de sa logique propre qui suppose une volonté bonne d’interpréter cet axiome dans le sens de ce qui est le meilleur pour chacun. Mais le meilleur pour chacun est encore un défi, car qui peut imposer ce qu’il suppose meilleur à quelqu’un qui n’en voudrait pas ? Nous revenons en arrière : que du moins il ne lui impose pas ce qu’il ne voudrait pas subir lui-même, sauf que dans certains cas, par exemple le suicide, je prends cet exemple au hasard, comme il me vient, mais doit-on laisser quelqu’un se suicider ? Si nous ne souhaitons pas mourir, nous dirons qu’il faut l’en empêcher, et si nous souhaitons mourir, nous le soutiendrons à moins que nous ne soyons déjà morts. Vous me direz que ces cas sont trop abstraits et c’est là qu’il me faut dire que justement l’adaptation de cet axiome à la réalité concrète est une opération de la volonté bonne. Mais qu’est-ce qu’une interprétation, qu’est-ce qu’une volonté bonne ? Nous affirmons toujours sans savoir et le savoir même nous est d’aucun secours. 
- Si vous me donnez un cas concret, je saurais bien appliquer l’axiome.
- Non vous mentez, comme nous mentons tous, pour nous faire plaisir, nous affirmons notre existence en l’inscrivant justement dans les linéaments d’une interprétation déchiffrable par autrui, ainsi nous savons et tout le monde sait ce qui est bon pour nous, ce qui est mauvais. Mais la vérité est que nous sommes beaucoup plus libres que nous ne pouvons le penser.
- Si vous me donniez un cas concret, il serait toujours trop écrit.
- Oui trop caractérisé afin de donner à penser que tel homme devrait vivre par exemple ou bien pourrait mourir.
- Donc ce n’est pas  mon axiome, mais peut-être ma volonté bonne qui rend possible la bonté ?
- Nous parlons de la bonté, mais n’est-elle pas sœur de l’amour, et n’est-il pas défendu de parler d’amour ?
- Que voulez-vous dire ?
- L’amour se chante, il se fait poème : chargé d’émotion, il doit être sincère, mais sa sincérité le fuit et devient vite le masque hypocrite de la sincérité ? L’amour se fait mouvement comme disait Tristan Corbière : « Va vite, léger peigneur de comète », il n’est que mouvement spirituel insaisissable.
- Ah, c’est cela que vous vouliez me dire ?
- Oui, cette joie.
- Un pur élan du cœur ?
- Ce qui n’en est pas encore le masque.
- Mais comment voulez-vous que j’aille si loin dans l’inspection des cœurs, cela est impossible !
- Oui, mais cela ne veut pas dire que l’amour n’existe pas ni que cela n’est pas premier.
- Il faut donc admettre quelque chose de cet ordre et qu’importe les mots, spiritualité fera bien l’affaire, mais pourquoi l’opposer à l’athéisme ?
- C’était une erreur sans doute… mais il m’a semblé que la sincérité des cœurs émanait indirectement des personnes et que précisément le vide des athées, de ceux que j’appelle athées, mais dans le sens où ils sont privés de ces émanations divines d’une conscience bonne, que ce vide était la marque fondamentale de notre temps.
- Nous abordons donc le chapitre de la mauvaise conscience.
- Oui de la très mauvaise conscience générale, celle d’avoir gâché notre seul bien commun : cette terre.
- Vous pensez que cela a un rapport avec la mort de Dieu.
- La terre était son don.
- Oui, mais sur le plan individuel ?
- C’est bien difficile à voir, mais je pense que cela est déterminant : qui a sincèrement œuvré afin de sauver et d’aimer le peu qu’il restait à sauver et à aimer de vie véritable ? Qui a pensé sincèrement aux générations futures ? Qui a protégé la vie en respectant l’axiome que vous avez vous-mêmes nommé ? Toutes ces questions se regroupent et forment une conscience une qui est celle de chacun et celle de l’humanité. Là où les choses sont parfaitement claires, là est le chemin le plus juste, il semble bien étroit et bien difficile à emprunter, mais il rayonne plus que les autres voies. 
- Je comprends que cette conscience n’est pas tributaire du jugement d’autrui, il engage la liberté totale d’un individu. 
- Pire que cela nous sommes responsables des erreurs des autres… aussi coupables que le pire criminel… Une seule âme perdue et nous sommes tous coupables. Comme nous sommes loin de ne jamais laisser tomber personne dans nos sociétés… C’est affreux de regarder ce monde avec quelque lucidité.
- Une autre société est-elle possible ?
- Ah ah ! Tu m’interroges comme si j’étais un oracle, mais je n’en sais rien. Je connais très mal la politique : cela devrait être ton domaine !
- Le capitalisme triomphe sous sa forme néo-libérale, je vois la défaite des humanistes, la défaite de mon camp, mais c’est vous-mêmes qui avez dit que nous n’étions pas morts, pourquoi ?
- Peut-être allons-nous vers la fin des temps, mais tant qu’une conscience pourra voir la lumière, alors il sera permis d’espérer. La joie et ce sera mon dernier secret, la joie est éternelle. Une seule seconde remplit toute une vie et nous pouvons mourir dans cette joie sans souffrir la moindre insatisfaction. »

Dès ce moment, ces deux âmes n’en faisaient plus qu’une.  

Publié dans Philosophie

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