D'or est le coeur de la Terre

Publié le par Grégor

Zarathoustra disait : « le cœur de la Terre est d’or ! »
Avec leur corps et leur Soi c’est la Terre que rejettent les contempteurs du corps.
La terre n’est-ce pas le corps extérieur de l’Homme ?
Cette proximité entre le corps propre de l’Homme et la terre n’est-elle pas indiquée dans le mythe d’Adam, le terreux ?
Tous ces corps que nous absorbons pour nos besoins, qui nous reconstituent jour après jour, nous inscrivent dans l’universel.
Tout ce que nous utilisons pour notre confort se substitue également à notre corps, comme un manteau est une seconde peau.
Retrouver le sens de la terre, c’est donc retrouver son corps, quand un certain idéalisme, contempteur du corps, fuit dans les Arrières-mondes cette terre qui fait pourtant de lui un être universel.
Sauf que ce n’est pas le même universel, l’un est l’universel abstrait qui n’est réductible à aucun étant, l’autre est l’universel concret qui jouit de tout étant.
L’autre de tout étant c’est l’Être. Cet Être se comprend par analogie au Temps. Le Temps n’est pas tel objet pris dans le Temps. De même l’Être n’est pas tel étant pris dans l’Être.
Ainsi l’Être et le Temps ne sont rien concrètement, ils ne sont qu’abstraitement.
Nous pouvons penser à la condition de possibilité. En effet, de même que le langage précède toute possibilité de parler, l’Être précède toute possibilité pour un étant d’être. En tant que condition de possibilité lui-même impossible, l’Être n’est donc pas quelque chose de seulement abstrait, comme le serait une Idée chez Kant, pourtant de même qu’une Idée, il ne peut pas faire l’objet d’une expérience possible. En effet, il est lui-même la condition de toute expérience possible.
Cet universel concret de la Terre et du corps est donc d’une certaine manière la totalité des étants.
Mais l’universalité de l’Être ne s’oppose pas abstraitement à
l’universel concret des étants, elle s’oppose autrement. N’étant rien de concret elle ne tombe pas pour autant dans le vide de l’abstraction.
Mais d’or est le coeur de la Terre !
Parfois il me semble que la matière nous écrase, qu’elle pèse comme un grand couvercle, enserrant nos âme qui rêveraient de pouvoir s’élever jusqu’au Beau et aux Idées platoniciennes.
Ce rêve d’échapper à son double corps, celui qui nous constitue et l’autre, notre corps externe, qui nous prolonge dans les aliments que nous consommons, les outils que nous utilisons, les objets qui nous font face, les autres êtres humains qui nous sont proches ou anonymes, les animaux qui vivent dans leur sommeil de l’instant, la Terre immense et aussi bien le Ciel et l’univers constellé, qui n’en sont qu’un autre mot plus lointain et plus inaccessible et en cela plus proche du rêve fou de n’être pas ce que nous sommes, de sortir du cercle du possible qui nous borne et nous termine.
Ce rêve de poète d’échapper à la réalité, ce désir fou et peut-être un peu lacanien, ce retour impossible vers les paradis perdus de l’enfance ou des divers âges d’or, un monde sans souffrance.
Pourquoi disions-nous que d’or est le coeur de la Terre ?
Est-ce pour substituer à ce vieux rêve fou car impossible un monde possible, rendre possible dans un certaine mesure (mesure qui est toute la mesure de la tâche à accomplir) le rêve d’une réalité plus douce et plus humaine ?
Il ne me semble pas.
Il me parait au contraire, que c’est la contradiction même entre idéal et réalité qui semble caduque et si ce fut un jour de la tension exercée entre ces deux contraires que certaines âmes parvinrent à se projeter dans les étoiles, nous pourrions dire que nous manquons du ressort nécessaire à de pareils envols, car l’idéal ne s’oppose pas au réel.
L’Être ne s’oppose pas au réel, le réel est autrement que l’Être.

L’idéal est une forme du réel, si nous prenons le réel dans son sens large d’autre que l’Être.
Bref, pour nous il n’est que du réel, nous n’avons aucun élan vers le Ciel, nous sommes écrasés sur la Terre.
Pourtant son coeur est d’or.
Cela signifie seulement qu’il faut aimer ce que nous sommes : amor fati !
Or, le corps de l’homme est universel.
Nous sommes d’une certaine manière un être universel.
C’est sans doute le règne du capitalisme qui fait de l’homme un être d’abord privé, enfermé dans son corps, puis dans sa maison, l’enclôt de son jardin etc. Pourtant nous consommons chaque jour des produits du travail d’autres êtres humains qui permettent à notre corps stricto sensu de fonctionner. Le corps ne fonctionne pas seul, en autarcie.
L’autonomie dont nous jouissons n’est pourtant pas non plus une chimère absolue. Cela signifie que nous avons, du moins pendant nos heures de loisir, le choix d’occuper notre temps comme bon nous semble (dans la limite de la liberté d’autrui naturellement). Les lumières qui ont défendu cette liberté et cette autonomie relative de l’homme éclairé ne me semblent pas incompatibles avec une pensée de l’homme comme être universel. Car quelque soit l’activité que l’Homme, une fois ses devoirs envers la cité accomplis, se choisisse, il en est très peu qui ne soient pas tournées vers un autre que lui. Or cet autre est déjà la marque en lui de son universalité.

 

 

Publié dans Philosophie

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article